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la ville noire.

C’est les hommes du feu. Regarde plus loin ceux qui, grands et petits, sont tout blancs, tout propres, et qui ont les mains douces comme des demoiselles : c’est les papetiers, les hommes de l’eau. Regarde bien, mon garçon, car tu n’as jamais rien vu de pareil. Il n’y a chose aussi belle au monde que de voir travailler tous ces gens-là, si vifs, si adroits, si savants ou si soigneux chacun dans sa partie : les uns vous retirant de la claie une petite couche de bouillie qu’ils savent étendre et manier comme une étoffe ; les autres vous tortillant une barre de métal brut et se la passant de main en main si vite et si bravement façonnée, qu’en moins de vingt minutes vous la voyez changée en un outil commode, léger, solide, reluisant et enjolivé à souhait !

Et moi, je croyais rêver… Je passai ma journée à regarder sans m’en lasser l’industrie de toutes ces mains habiles qui avaient l’air de jouer avec ce qu’il y a de plus résistant comme avec ce qu’il y a de plus souple et de plus mou, l’acier trempé et la pâte claire. Je crois que le papier m’étonnait encore plus que la coutellerie ; mais le fer me parut plus mâle,