Aller au contenu

Page:Sand - La Ville noire.djvu/58

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
48
la ville noire.

d’un garçon qui a de l’avenir. Elle est assez jolie ; mais ses mains blanches et son air de princesse ne l’empêchent pas d’avoir des idées très-étroites et la vanité démocratique, qui est la plus insupportable de toutes les vanités. D’ailleurs, pour être amoureux de sa femme au point de lui sacrifier ses projets et de l’atteler pour toujours à la misère, ou tout au moins à l’économie sordide, il faut être un peu simple, un peu ignorant comme ce brave Gaucher. Une fois brouillé avec l’espérance, on s’abrutit tout doucement dans le travail quotidien ; on arrive insensiblement à ne plus regretter, à ne plus comprendre le mieux ; on se néglige, on s’abandonne au moral et au physique. Sans doute Lise est une bonne femme, assez intelligente, et quand Gaucher l’a prise, c’était une rose pour la fraîcheur. Qu’est-elle devenue après deux ans de mariage ? L’ombre d’elle-même, et à présent qu’elle a deux enfants, elle est maigre, flétrie, souvent malpropre et déguenillée, ce qui est une vertu chez une mère de famille économe, mais ce qui refroidit et rebute un mari, à moins que, comme celui de Lise, il ne