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la ville noire.

coup sûr et rapidement à la richesse. Il n’était pas avare ; il ne savait pas marchander avec âpreté. Il avait pitié de ses ouvriers malades ou serrés de trop près par la misère. Il faisait des avances qui ne lui rentraient que mal et tard, quelquefois pas du tout. Il s’aperçut ainsi de ce dont il ne s’était pas douté alors qu’il n’avait pas d’obligés : à savoir que tous les hommes sont plus ou moins ingrats, et que personne ne prend à cœur la passion d’un autre au détriment de la sienne propre. Il trouvait tout le monde exigeant, et comme il était intelligent et réfléchi, il se sentait avec effroi devenir exigeant lui-même.

Quand son bon cœur l’avait entraîné à quelque faiblesse, il voulait réparer le tort qu’il s’était fait, en travaillant au delà de ses forces, et quelquefois il était si fatigué qu’il regrettait cette liberté d’autrefois qu’il avait prise pour un esclavage. Désormais il était réellement esclave de sa chose. Cette chose était devenue son honneur, sa vie ; il ne lui était pas permis de l’oublier un seul instant ; la prédiction de Gaucher se réalisait : « Tu ne dois plus connaître ni