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Page:Sand - La comtesse de Rudolstadt, 1re série.djvu/194

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prière éloquente et douloureuse. Consuelo dormait effectivement à moitié, et le son de l’instrument caressait son oreille et ramenait le calme dans son âme. Les phrases en étaient si suivies, quoique affaiblies par l’éloignement, et les modulations si distinctes, qu’elle se persuadait l’entendre réellement, sans songer à s’en étonner. Il lui sembla que cette audition fantastique durait depuis plus d’une heure, et qu’elle finissait par se perdre dans les airs en dégradations insensibles. Consuelo s’était rendormie tout de bon, et le jour commençait à poindre lorsqu’elle rouvrit les yeux.

Son premier soin fut d’examiner sa chambre, qu’elle n’avait pas même regardée la veille, tant la vie morale avait absorbé en elle le sentiment de la vie physique. C’était une cellule toute nue, mais propre et bien chauffée par un poêle en briques qu’on allumait à l’extérieur, et qui ne jetait aucune clarté dans l’appartement, mais qui entretenait une température très supportable. Une seule ouverture cintrée éclairait cette pièce, qui n’était cependant pas trop sombre ; les murs étaient blanchis à la chaux et peu élevés.

On frappa trois coups à la porte, et le gardien cria à travers, d’une voix forte :

« Prisonnière numéro trois, levez-vous et habillez-vous ; on entrera chez vous dans un quart d’heure. »

Consuelo se hâta d’obéir et de refaire son lit avant le retour du gardien, qui lui apporta du pain et de l’eau pour sa journée, d’un air très-respectueux. Il avait la tournure empesée d’un ancien majordome de bonne maison, et il posa ce frugal ordinaire de la prison sur la table, avec autant de soin et de propreté qu’il en eût mis à servir un repas des plus recherchés.

Consuelo examina cet homme, qui était d’un âge avancé, et dont la physionomie fine et douce n’avait