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Page:Sand - La comtesse de Rudolstadt, 1re série.djvu/302

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elle se rappela ses amis, et prononça le nom de Karl avec anxiété. « Je suis là ! Pas un mot, signora, le plus profond silence ! » répondit Karl qui ramait devant elle. Consuelo pensa que l’autre rameur était Gottlieb ; et, trop faible pour se tourmenter plus longtemps, elle se laissa retomber dans sa première attitude. Une main ramena autour d’elle le manteau souple et chaud dont on l’avait enveloppée ; mais elle l’écarta doucement de son visage, afin de contempler l’azur constellé qui se déroulait sans bornes au-dessus de sa tête.

À mesure qu’elle sentait revenir ses forces et l’élasticité de ses mouvements, paralysés par une violente crise nerveuse, elle recueillait ses pensées ; et le souvenir de Mayer se présenta horrible et sanglant devant elle. Elle fit un effort pour se soulever de nouveau, en s’apercevant qu’elle avait la tête appuyée sur les genoux et le corps soutenu par le bras d’un troisième passager qu’elle n’avait pas encore vu, ou plutôt qu’elle avait pris pour un ballot, tant il était enveloppé, caché et immobile, étendu derrière elle, dans le fond de la barque.

Une profonde terreur s’empara de Consuelo lorsqu’elle se rappela l’imprudente confiance que Karl avait témoignée à Mayer, et qu’elle supposa possible la présence de ce misérable auprès d’elle. Le soin qu’il semblait prendre de se cacher aggravait les soupçons de la fugitive. Elle était pleine de confusion d’avoir reposé contre le sein de cet homme, et reprochait presque à la Providence de lui avoir laissé goûter, sous sa protection, quelques instants d’un oubli salutaire et d’un bien-être ineffable.

Heureusement la barque touchait terre en ce moment, et Consuelo se hâta de se lever pour prendre la main de Karl et s’élancer sur le rivage ; mais la secousse de l’atterrissement la fit chanceler et retomber dans les