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Page:Sand - La comtesse de Rudolstadt, 1re série.djvu/327

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avoir dites dans un rêve. Mais elles s’étaient échappées de ses lèvres, comme malgré elle. Le chevalier les avait entendues. Il fit un effort pour se soulever, se mit sur ses genoux, et embrassa ceux de Consuelo qui fondit en larmes sans savoir pourquoi.

Karl revint avec sa gourde. Le chevalier repoussa ce spécifique favori du déserteur, et s’appuyant sur lui, gagna la voiture, où Consuelo s’assit à ses côtés. Elle s’inquiétait beaucoup du froid que devaient lui causer ses vêtements mouillés.

« Ne craignez rien, signora, dit Karl, M. le chevalier n’a pas eu le temps de se refroidir. Je vais lui mettre sur le corps mon manteau, que j’ai eu soin de serrer dans la voiture quand j’ai vu venir la pluie ; car je me suis bien douté que l’un de vous se mouillerait. Quand on s’enveloppe de vêtements bien secs et bien épais sur des habits mouillés, on peut conserver assez longtemps la chaleur. On est comme dans un bain tiède, et ce n’est pas malsain.

— Mais toi, Karl, fais de même, dit Consuelo ; prends mon mantelet, car tu t’es mouillé pour nous préserver.

— Oh ! moi, dit Karl, j’ai la peau plus épaisse que vous autres. Mettez encore le mantelet sur le chevalier. Empaquetez-le bien ; et moi, dussé-je crever ce pauvre cheval, je vous conduirai jusqu’au relais sans m’engourdir en chemin. »

Pendant une heure Consuelo tint ses bras enlacés autour de l’inconnu ; et sa tête, qu’il avait attirée sur son sein, y ramena la chaleur de la vie mieux que toutes les recettes et les prescriptions de Karl. Elle interrogeait quelquefois son front, et le réchauffait de son haleine, pour que la sueur dont il était baigné ne s’y refroidît pas. Lorsque la voiture s’arrêta, il la pressa contre son cœur avec une force qui lui prouva bien qu’il était dans