Page:Sand - Laura - Voyages et impressions.djvu/24

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et nous nous étions oubliés, ou peu s’en faut.

J’avais laissé une enfant maigre et jaune ; je retrouvais une fille de seize ans, mince, rosée, avec des cheveux magnifiques, des yeux d’azur, un sourire où l’enjouement et la bonté avaient des grâces incomparables. Si elle était jolie, je n’en sais rien ; elle était ravissante, et ma surprise fut un éblouissement qui me plongea dans le plus complet idiotisme.

― Or çà, cousin Alexis, me dit-elle, que fais-tu, et à quoi passes-tu ton temps ici ?

J’aurais bien voulu trouver une autre réponse que celle que je lui fis ; mais j’eus beau chercher et bégayer, il me fallut avouer que je passais mon temps à ne rien faire.

― Comment ! reprit-elle avec un étonnement profond, rien ? Est-il possible de vivre sans rien faire, à moins d’être malade ? Es-tu donc malade, mon pauvre Alexis ? Tu n’en as pourtant pas l’air.

Il fallut confesser encore que je me portais bien.

― Alors, dit-elle en portant à mon front le bout de son doigt mignon, orné d’une jolie bague de