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Page:Sand - Le Beau Laurence.djvu/207

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anéanti, et tout à coup il se ut en moi une réaction violente. Je fis comme le condamné qui brise ses liens, ne fût-ce que pour faire quelques pas avant de mourir. Je lui exprimai mon amour avec la violence du désespoir, et de nouveau elle pleura amèrement en me disant que j’étais impitoyable, que je la torturais. Sa douleur, qui était réelle et qui la suffoquait, me donna un moment le change. Je me persuadai qu’elle m’aimait et qu’elle se sacrifiait à la pensée d’un devoir cruel. Oui, je vous jure qu’elle semblait m’aimer, me regretter et craindre mes caresses, car elle me retirait ses mains, et si parfois, vaincue, elle cachait son visage sur mon épaule, tout aussitôt elle s’éloignait, effrayée, comme une femme près de faiblir. Elle n’était n perfide, ni froide, ni coquette ; je le savais, j’en étais sûr, après une si longue intimité et tant d’occasions de voir son généreux caractère à tous les genres d’épreuve. Je devenais fou.

— Sacrifie-moi ton serment, lui dis-Je ; oublie l’homme à qui tu te dois ; moi, je te sacrifierai tout. Je laisserai mon père mourir seul et désespéré. L’amour est au-dessus de toutes les lois humaines, il est tout, il peut tout créer et tout dé-