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Page:Sand - Le Beau Laurence.djvu/299

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— Quoi ! s’écria madame de Valdère, c’est Bellamare que vous aimez ? Est-il possible ?

— C’est lui, répondit avec fermeté mademoiselle de Valclos, c’est ce pauvre homme qui a toujours été laid, qui sera bientôt vieux et qui restera toujours pauvre… Regardez-moi ; je serai bientôt comme lui, le temps a bien effacé les différences ! Quand j’avais douze ans, il en avait trente, et mes yeux ne calculaient pas. Quand il m’eut fait répéter mon rôle, étudier mes gestes, et qu’il m’eut encouragée paternellement en me disant que j’étais née artiste, je fus prise d’un grand orgueil, et le souvenir de l’homme qui m’avait dit le mot de ma destinée s’imprima dans mon cerveau comme le toucher d’un esprit mystérieux venu d’une autre sphère pour m’avertir de ma vocation. Le jour où il quitta Valclos, les petits garçons qu’il avait fait jouer dans notre comédie se jetèrent à son cou. Il était si bon, si gai, il les gouvernait si bien en les amusant, que tous l’adoraient. Il vint à moi et me dit :

» — Mademoiselle Jane, n’ayez pas peur ! je ne vous demanderai pas la permission de vous embrasser. Je suis trop laid, et vous êtes trop jolie ;