Aller au contenu

Page:Sand - Le Beau Laurence.djvu/303

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

tendri et brillant le rajeunit tout à coup à mes yeux. C’est là seulement que je me rendis compte du sentiment qu’il m’inspirait, et j’eus un frisson de terreur en sentant qu’il pouvait me deviner.

» Il m’eût aimée, aimée passionnément, je le sais, maintenant que je l’ai vu aimer d’autres femmes ; mais son amour était un éclair et se dissipait aussitôt qu’il était assouvi. Bellamare est le véritable artiste d’un autre temps, avec toutes les qualités ardentes, tous les travers ingénus, tous les entraînements, toutes les lassitudes que comporte une vie d’insouciance et de surexcitation. Il m’eût aimée et trahie, secourue et assistée, mais oubliée comme les autres. L’eussé-je fixé, il ne m’eût pas épousée : il était marié.

» Je ne devinai pas tout cela au premier abord ; mais j’eus peur de moi-même, et, en me reprenant, je lui montrai tant de fermeté dans mes principes d’honneur, qu’il changea tout à coup de visage et d’accent. Il me jura d’être mon père, il m’a tenu parole.

» Et moi, je l’ai toujours aimé, bien qu’il m’ait fait beaucoup souffrir en menant sous mes yeux la vie d’un homme de plaisir, ne parlant jamais