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Page:Sand - Le Beau Laurence.djvu/61

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ainsi une dizaine de lieues, presque toujours courbés en avant ou en arrière sur nos montures, et ne pouvant respirer qu’à de courts intervalles sur un terrain uni. Léon, Marco et moi, nous préférâmes marcher, mais il fallut aller vite ; le prince, monté sur un excellent cheval qu’il maniait avec une maestria éblouissante, tenait la tête de file avec deux serviteurs à longues moustaches, courant à pied derrière lui, la carabine sur l’épaule et la ceinture garnie de coutelas et de pistolets. Les montagnardes, fières de leur force et de leur courage, se faisaient un point d’honneur de les suivre à courte distance. Nous marchions derrière, ennuyés et embarrassés de nos mules et de nos chevaux qui ne se faisaient pas remorquer par la bride, — ils étaient pleins d’ardeur et d’émulation, — mais qui, voulant toujours passer devant nous, faisaient rouler des avalanches de pierres dans nos jambes. Lambesq se fâcha tout rouge avec son mulet, qui, en évitant ses coups, perdit la tête et se lança dans l’abîme. Le prince et son escorte n’en prirent pas le moindre souci. Il fallait sortir du défilé avant la nuit, nous mourions de soif, et le rocher calcaire n’avait pas un filet d’eau à nous offrir.