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Page:Sand - Le Château des désertes - Les Mississipiens, Lévy, 1877.djvu/108

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sans aucun indice de l’existence d’un jupon. Cette sœur aînée, sourde et muette, me fit l’effet d’un jeune garçon qui ne voulait pas se trahir par la voix et qui surveillait ma conduite auprès de ses sœurs, pour me remettre à la raison, s’il en était besoin.

Je ne pus me défendre du sot amour-propre de faire part de ma découverte, et j’en fus aussitôt châtié.— Pourquoi avez-vous manqué de confiance en moi ? disais-je à mes deux jeunes amies. Il n’était pas besoin de la présence de votre frère pour m’engager d’être auprès de vous le plus soumis et le plus respectueux des adeptes.

— Et vous, pourquoi manquez-vous à votre serment ? répliqua Stella d’un ton sévère : allons, il est trop tard pour reculer, et il faut employer les grands moyens pour vous forcer au silence.

Elle m’arrêta ; le domino noir se retourna malgré sa surdité, et présenta un bandeau, qu’à elles trois elles placèrent sur mes yeux avec la précaution et la dextérité de jeunes filles qui connaissent les supercheries possibles du jeu de colin-maillard.— On vous fait grâce du bâillon, me dit Béatrice ; mais, à la première parole que vous direz, vous ne l’échapperez pas, d’autant plus que nous allons trouver main-forte, je vous en avertis. En attendant, donnez-nous vos mains ; vous ne serez pas assez félon, je pense, pour nous les retirer et pour nous forcer à vous les lier derrière le dos.

Je ne trouvais pas désagréable cette manière d’avoir les mains liées, en les enlaçant à celles de deux filles charmantes, et la cérémonie du bandeau ne m’avait pas révolté non plus ; car j’avais senti se poser doucement sur mon front et passer légèrement dans ma chevelure deux autres mains, celles de la sœur aînée, lesquelles, dégantées pour cet office d’exécuteur des hautes-œuvres,