Page:Sand - Le Château des désertes - Les Mississipiens, Lévy, 1877.djvu/117

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bien joué à moins ! J’étais mort de peur, et cela tout de bon ; car je n’avais pas vu la statue à la répétition d’hier, et quoique j’aie coupé et peint moi-même toutes les pièces d’armure, je ne me représentais pas l’effet qu’elles produisent quand elles sont revêtues. Salvator posait dans la perfection, et il a dit son oui avec un timbre si excellent, que je n’ai pas reconnu le son de sa voix ; et puis, dans ce costume, il me faisait l’effet d’un géant. Où est-il donc cet enfant, que je le complimente ?

Boccaferri se retourna brusquement, et vit derrière lui le jeune homme auquel il s’adressait, occupé à mettre du rouge pour faire le personnage de Masetto.— En bien ! quoi ? s’écria Boccaferri, tu as déjà eu le temps de changer de costume ?

— Comment, mon vieux répondit le jeune homme, tu crois que c’est moi qui ai fait la statue ? Tu ne te souviens pas de m’avoir vu dans la coulisse au moment où tu es revenu tomber à genoux, comme voulant fuir (au plus beau moment de ta frayeur !), et que tu m’as dit tout bas : Cette figure de pierre m’a fait vraiment peur !

— Moi, je t’ai dit cela ? reprit Boccaferri stupéfait, je ne m’en souviens pas. Je te voyais sans te voir ; je n’avais pas ma tête. Oui, j’ai eu réellement peur. Je suis content, notre essai réussit, mes enfants ; voilà que l’émotion nous gagne. Pour moi, c’est déjà fait ; et quand vous en serez tous là, vous serez tous de grands artistes !…

— Mais, vieux fou, dit Célio en souriant, si ce n’était pas Salvator qui faisait la statue, qui était-ce donc ? Tu ne te le demandes pas ?

— Au fait, qui était-ce ? Qui diable a fait cette statue ?

Et Boccaferri se leva tout effrayé en promenant des yeux hagards autour de lui.

— Le bonhomme est très-impressionnable, me dit