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Page:Sand - Le Château des désertes - Les Mississipiens, Lévy, 1877.djvu/27

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vous l’avez particulièrement connue ? car vous êtes trop jeune…

Ce n’était pas le moment de faire une circonlocution pour apprendre si la duchesse avait vu la Floriani une fois ou vingt fois en sa vie. J’ai su plus tard qu’elle ne l’avait jamais vue que de sa loge, et que Célio lui avait été simplement recommandé par le comte Albani. J’ai su bien d’autres choses… Mais Célio débitait son récitatif, et la duchesse toussait trop pour me répondre. Elle avait été si enrhumée !


II. — LE VER LUISANT.

Il y avait alors au théâtre impérial une chanteuse qui eût fait quelque impression sur moi, si la duchesse de… ne se fût emparée plus victorieusement de mes pensées. Cette chanteuse n’était ni de la première beauté, ni de la première jeunesse, ni du premier ordre de talent. Elle se nommait Cécilia Boccaferri ; elle avait une trentaine d’années, les traits un peu fatigués, une jolie taille, de la distinction, une voix plutôt douce et sympathique que puissante ; elle remplissait sans fracas d’engouement, comme sans contestation de la part du public, l’emploi de seconda donna.

Sans m’éblouir, elle m’avait plu hors de la scène plutôt que sur les planches. Je la rencontrais quelquefois chez un professeur de chant qui était mon ami et qui avait été son maître, et dans quelques salons où elle allait chanter avec les premiers sujets. Elle vivait, disait-on, fort sagement, et faisait vivre son père, vieux artiste paresseux et désordonné. C’était une personne modeste et calme que l’on accueillait avec égard, mais dont on s’occupait fort peu dans le monde.