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Page:Sand - Le Dernier Amour, 1882.djvu/140

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résistait plus à aucun enseignement, elle ne discutait plus, elle m’écoutait avec avidité, elle buvait mes paroles, elle était douce et docile comme un enfant. Son naturel inquiet et nerveux reparaissait dans les soins qu’elle prenait de ses affaires et de son ménage, dans les ordres qu’elle donnait à son monde et dans les impatiences que lui causaient les tracas puérils. J’obtins d’elle la promesse que cette activité fébrile serait combattue, qu’elle apprendrait à commander avec calme et à supporter philosophiquement la négligence ou l’inintelligence inévitable de ses subordonnés. Ce fut d’abord au-dessus de ses forces ; mais, un jour que je lui expliquais les idées de Lavater sur la physionomie, je lui traçai son propre profil au bout de la plume, et je lui montrai les diverses expressions de son visage modifié par la nature de ses émotions intérieures ; elle se vit jouant du violon et elle se trouva belle ; elle se vit grondant ses valets et elle se trouva laide. Consternée de ma clairvoyance, elle prit du chagrin et pleura ; mais, à partir de ce moment, elle redevint douce avec tout le monde comme au moment où pour la première fois elle s’était observée pour me plaire.

Comment n’aurais-je pas été touché de sa soumission ? Bientôt je fus ravi de son intelligence ; elle avait une facilité de compréhension merveilleuse. Deux ou trois semaines de leçons lui suffirent pour réformer ses mauvaises locutions allemandes et françaises ; elle m’en demanda une liste, elle l’étudia la