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Page:Sand - Le Dernier Amour, 1882.djvu/25

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qu’il ne me coûtait guère de ne pas aller plus avant, et de chercher de l’ouvrage aux environs.

Il faisait un clair de lune limpide. De mon lit sans rideaux, je regardais le ciel pur et froid ; je pensai à ce que j’avais aimé, je pleurai, je priai, — qui ? l’esprit inconnu à l’homme qui parle dans son cœur et pénètre sa pensée du sentiment du beau et du bien. Nous appelons Dieu cette âme inaccessible à notre entendement, qui nous porte en elle et nous émeut sans se révéler. Elle ne nous dit rien du tout, elle ! ou, si elle nous dit quelque chose, nous ne le comprenons pas ; mais l’enfant qui n’entend pas encore la parole de sa mère et qui dort sur son sein connaît sa douce chaleur et y puise les éléments d’une existence complète où il connaîtra ce qu’il ignore.

Devenu calme, je m’endormis enfin, et, quand on m’éveilla, j’entendis en bas une grosse voix de bon augure dont le timbre me révéla la franchise et la cordialité. Je m’habillai à la hâte, je descendis, certain que j’allais trouver un ami.

Dans la salle commune, il y avait, en effet, un beau montagnard entre deux âges, demi-paysan, demi-bourgeois, qui causait amicalement avec l’hôte, et qui m’offrit place à sa table. Je sus bientôt qu’il faisait des affaires dans le pays ; il avait acheté une coupe de bois à mi-côte de la montagne ; il venait de recruter une douzaine d’ouvriers en pays suisse ; il n’en avait pas assez ; il se proposait de descendre le Simplon italien pour en aller chercher d’autres. Je