Page:Sand - Le Dernier Amour, 1882.djvu/261

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

fants, et je sais de reste que ton mari méprise les écus. Vas-tu devenir intéressée, toi qui n’as jamais travaillé et amassé que pour les autres ? Allons ! j’ai répondu à tout, je crois ; qu’as-tu encore à dire ?

— Je dis, s’écria Félicie irritée, que tu es un vicieux et un perfide ! J’admire que, foulant aux pieds toute morale, tu me prêches les devoirs du ménage ! Cela te sied bien, à toi, de prendre la défense de mon mari ! Tiens, avoue donc que tu es déjà las de moi, que tu veux bien de temps en temps venir faire un chapitre de folie avec moi, me prendre comme une aventure piquante,… endormir mes soupçons par une comédie de passion ou de sentiment, par tes paroles traîtresses, par des phrases apprêtées à l’avance et qui jurent dans ta bouche. Le reste du temps, tu aimes ta femme à plein cœur et tu ris de moi avec elle ! Mais écoute, que tu mentes ou non, je ne veux plus de la part que tu me fais. Ce ne sont plus des extases, des mots, des soupirs et des rugissements qu’il me faut, c’est ton amitié, c’est ta confiance, c’est ta société, c’est ta soumission, c’est toi à tous les moments de ta vie et de la mienne, c’est la part de ta femme que je veux… À ce prix, je changerai de rôle avec elle ; elle sera ta maîtresse, ton aventure, ta distraction furtive… Je sais maintenant l’amertume et l’indignation de cette position-là, je la lui laisserai sans jalousie ; j’aime mieux avoir à la plaindre qu’à l’envier. Voilà ce que je veux, tu m’entends ? Tu viendras, sous le prétexte que tu voudras,