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Page:Sand - Le Dernier Amour, 1882.djvu/267

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grande partie la fatalité de ses instincts, son âme n’est pas absolument libre ; en certains cas, beaucoup trop fréquents pour qu’on les dise exceptionnels, cette âme n’est même pas du tout libre. Et pourtant Spinosa est sinon condamné, du moins dépassé et rectifié. L’homme est un agent moral. Quand il n’est pas, en tant qu’individu, responsable de ses pensées et de ses actes, il est susceptible, en tant que membre de l’humanité, de le devenir. L’espèce a été créée perfectible : l’homme est donc virtuellement libre ; chaque siècle, chaque heure de son existence ôte une écaille de ses yeux, adoucit une rudesse de son instinct, développe une lumière de sa raison, une puissance de son cœur.

Cela ne paraît pas toujours dans l’ensemble, mais cela est. Même aux époques qui semblent pencher vers la décadence, un travail souterrain répare en préparant. La vie de l’humanité a ses hivers plus ou moins rudes, ses printemps reviennent toujours, et, comme le milieu de l’homme progresse insensiblement, l’homme, qui a la sensibilité, progresse sensiblement et insensiblement à la fois.

Une société peut être gangrenée, elle peut se dissoudre et disparaître. La vérité a marché quand même. N’eût-elle qu’un représentant debout, elle existe, elle se répandra, elle formera des sociétés nouvelles. Les cataclysmes ne détruisent pas les lois divines, ils n’altèrent pas plus l’essence des choses morales et intellectuelles qu’ils n’altèrent l’essence physique. Non-