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Page:Sand - Le Dernier Amour, 1882.djvu/287

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moins ma vie durant, je vous le promets ; mais le reste est superflu pour nos besoins. Nous n’avons ni ambition, ni postérité, ni goûts de luxe, ni infirmités. Nous pourrions vivre de très-peu, je vous assure.

— Vous avez l’air de vous moquer. Pourquoi donc cette tendresse soudaine, cette tolérance sans bornes pour Tonino, que vous n’aimiez guère il y a quelques jours ?

— J’ai réfléchi, vous dis-je ; j’ai pris pitié de lui en voyant que vous ne l’aimiez plus vous-même.

— Vous avez vu clair ! Dieu m’est témoin que je ne l’aime pas !

— Eh bien, que vous ayez tort ou raison, je l’ignore ; mais vous l’avez beaucoup aimé dans son enfance, vous l’avez habitué à compter sur vous. Il n’a compris le travail qu’avec votre aide, l’avenir qu’avec votre garantie. Il n’était pas né stoïque, votre tendresse l’a empêché de devenir homme. Vous pensez qu’il ne la mérite plus, soit ! mais il est trop tard pour que vous lui en retiriez les témoignages et les effets. Pour lui, ces effets et ces témoignages s’appellent argent. Vous êtes forcée de lui donner de l’argent…

— Et si je ne lui en donne pas ?

— Il se plaindra de vous, Félicie… Il dira qu’en d’autres temps vous avez été meilleure pour lui, et, comme il va demeurer loin, je ne pourrai pas l’empêcher de vous maudire et de vous accuser à mon insu.

— Ainsi, pour avoir été envers lui une bonne et