Aller au contenu

Page:Sand - Le Dernier Amour, 1882.djvu/300

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

nait effrayant ; c’était l’ombre de mon passé qui se levait devant moi pour me dire : « Unissons-nous dans la mort ! » Mais la mort est sacrée ; elle est le lit nuptial des âmes qui se sont chéries saintement. Elle n’est pas la couche ardente des amants enivrés. Point d’arrivée et point de départ pour les étapes de la vie éternelle, elle s’exprime par le majestueux abandon de la personnalité apparente. Elle a ses lois à part, aussi mystérieuses que celles de Dieu même, et, si cette loi est l’amour encore, c’est avec des manifestations que les hommes ne connaissent pas.

Qu’y avait-il de commun désormais entre la chair de l’amante de Tonino et la mienne ? Ce lien était rompu. Comment avais-je pu me flatter de le renouer ? Toutes les eaux du Léthé, toutes les eaux du ciel même ne pouvaient laver la souillure de cette chair profanée. Était-ce un préjugé ? Je me posai sincèrement la question. Je m’élevai aux plus hautes intuitions de l’idéal. Je vis la figure de Jésus traçant ces mots sublimes : « Que celui de vous qui est sans péché lui jette la première pierre ! » Je ne la vis pas conduisant au lit de l’époux outragé la femme adultère. Oubli et pardon, oui, dans le sens de la charité ; mais dans celui de l’hyménée, non… cela est impossible à la nature humaine, à moins d’une grossièreté d’appétit dont l’homme civilisé rougit, s’il y succombe !

Je m’efforçai de rêver l’état de sainteté absolue, l’oubli entier, complet, formel de l’égoïsme et du