Page:Sand - Le Dernier Amour, 1882.djvu/311

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plet et sûr de lui, qui réclamait son droit à la vie normale.

— Oh ! non, non, pensais-je, ce n’est pas un préjugé, ce n’est pas une tyrannie que de vouloir être aimé exclusivement quand on a vraiment aimé ainsi soi-même, et que rien n’a excusé ni seulement motivé la trahison. On a avili mon amour, on l’a condamné au partage !…

Car Félicie avait menti à son amant ! Elle était revenue à moi plus d’une fois durant ses amours avec lui, et on m’avait conduit les yeux fermés dans un temple d’impureté où j’avais cru embrasser l’autel de la chasteté conjugale. Devais-je pardonner cela ? Non, puisque je ne devais pas l’oublier. Et, puisque je ne le pouvais pas, malgré des efforts de dévouement où ma raison avait failli se briser, c’est que la nature ne le voulait pas. Dieu ne pouvait pas faire le miracle que je lui avais demandé, Dieu ne fait pas de choses insensées.

Je retrouvai le calme ; je revins prendre mon repas avec ma femme. Je lui parlai avec une douceur plus grande encore que de coutume. Elle m’avait cru malade, disait-elle ; elle était inquiète de moi. Ne pouvais-je lui expliquer les larmes et les cris qui m’étaient échappés dans ses bras ? Je ne le pouvais sans mentir. Je ne voulais pas mentir davantage ; je ne voulais pas parler non plus. Ne pouvions-nous pas nous entendre sans entrer dans d’odieuses explications ?

— Soyez certaine, lui dis-je, que, si j’ai quelque