Page:Sand - Le Dernier Amour, 1882.djvu/313

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le demanda ce soir-là, je la priai de choisir elle-même le livre. Elle m’apporta les Affinités électives de Gœthe, et je commençai à lire, redoutant quelque projet de discussion amenée par le choix étrange de cette lecture ; mais je vis bientôt qu’elle ne m’écoutait pas. Elle avait pris son aiguille et ne s’en servait pas. Ses yeux étaient fixés sur la table, ils se fermèrent, elle dormait.

Elle était sujette, comme toutes les personnes actives, levées avec le jour, à ces lassitudes soudaines. Je baissai la voix peu à peu, je fermai le livre, je la regardai. Elle était pâle, mais elle dormait avec une respiration égale, et elle reposa ainsi près d’une heure sans faire un mouvement. Son pouls était calme et seulement un peu faible quand elle s’éveilla.

— Est-ce que vous me croyez malade ? me dit-elle. Je ne le suis pas.

— Non ; mais il vous faudrait revenir aux toniques durant quelques jours. Vous n’êtes pas aussi forte que de coutume.

— Vous n’y connaissez rien, reprit-elle avec une certaine brusquerie ; je ne me suis jamais mieux portée. J’ai besoin de repos, voilà tout. Permettez-moi de me retirer.

Elle rangea ses boîtes avec le plus grand soin, alla parler à ses servantes, donna des ordres pour le lendemain, selon son habitude, et revint pour fermer les contrevents de la salle. Je ne lui laissais jamais prendre ce soin elle-même. Je l’en empêchai donc, disant