Page:Sand - Le Dernier Amour, 1882.djvu/331

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— Ma femme savait que ces dispositions seraient un outrage pour moi. Elle ne les a pas prises.

— Un outrage ! s’écria le docteur ; pourquoi donc un outrage ?

— Parce qu’elle avait commis une faute dans sa jeunesse et que je l’avais épousée à la condition de ne rien recevoir d’elle ni durant sa vie, ni après sa mort.

— Vous êtes fou, dit Morgani, mais logique dans votre folie, et je vous respecte, Sylvestre !… Mais qu’allez-vous devenir ?

— Rien. Je resterai ce que je suis : un homme qui aime le travail et qui n’a pas besoin de bien-être.

— Mais l’âge viendra, malheureux ! votre santé a souffert dans ces derniers temps.

— Ne vous inquiétez pas de moi. Je vous jure que je ne connaîtrai pas la misère, ou que je la subirai sans qu’elle paraisse.

— Comment ferez-vous ?

— Je ne demanderai rien à personne et ne me plaindrai jamais.

— Venez, Sylvestre, venez demeurer avec moi. Je suis seul, j’ai quelque aisance. Je vous apprendrai la médecine, vous m’apprendrez tout le reste. Nous vivrons et mourrons ensemble, ce sera moins triste que de vivre et de mourir seuls.

— Merci, mon ami ; mais je ne saurais rester dans ce pays. Il faut que je le quitte et n’y revienne jamais.