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Page:Sand - Le Dernier Amour, 1882.djvu/88

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Je ne sais pourquoi j’ai toujours éprouvé une invincible répugnance pour les questions. C’est peut-être un sentiment de fierté qui m’empêche de forcer ou de surprendre la confiance que je sens m’être due. Et puis, d’un homme à une femme, quand même il y a une grande différence d’âge, il me semble que les questions sont une sorte d’atteinte à la chasteté. Je respectais Félicie, et je me disais que, si elle avait un secret à me confier, elle seule pouvait me donner le ton et la note dont je devais me servir pour lui répondre.

En résumé, cette pauvre femme qui repoussait la tendresse en éprouvait sans doute l’impérieux besoin, et je me promis d’être moins sermonneur et moins sec, si elle venait de nouveau me consulter.

Elle ne revint pas, et je ne sais pourquoi je m’abstins, pendant huit autres jours, de descendre à l’habitation. Je n’avais pas de raisons pour y aller chercher mes vivres. Tonino devançait tous mes besoins. Il montait presque tous les matins. Je me disais quelquefois que je devais à Félicie de paraître m’intéresser à elle ; j’étais retenu par une sorte d’irrésolution craintive. Je n’osais pas non plus demander de ses nouvelles à Tonino d’une manière particulière. Il était si expansif, qu’il m’eût peut-être dit des choses que je ne voulais ni ne devais tenir de lui ; mais il était écrit que la vérité m’arriverait brutalement, malgré toute la réserve que je mettais à l’aborder.