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Page:Sand - Le Diable aux champs.djvu/116

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ma jalousie, et assez peu intelligent pour ne pas trouver un moyen sûr et prompt de chasser cette… Margo, Myrto, comment l’appelles-tu ?

JENNY. — Chasser une femme, quelle qu’elle soit, c’est bien dur, madame ! On ne chasse pas même un chien importun qui se jette dans vos jambes.

DIANE. — Un chien ! je le crois bien ! Mais une fille ! on la chasse à coups de cravache, à moins que l’on n’ait quelque motif pour la ménager. Et il y en a toujours, vois-tu ! Ces histoires de débauche ne sont jamais bien nettes, et ces misérables créatures ne seraient pas si impudentes si on ne leur donnait quelques droits de l’être, je ne sais lesquels !

JENNY. — Ni moi non plus. Mais pourquoi, vous qui êtes compatissante, parlez-vous si durement de ces malheureuses filles ? Moi, je les plains, et Myrto me fait de la peine, je vous assure.

DIANE. — Ne m’en parle plus. Je lui pardonnerai ses menaces si elle me fait naître un bon prétexte pour me débarrasser convenablement du marquis ; car, à dire vrai, plus je le vois et moins je m’y attache.

JENNY. — Mon Dieu, madame, n’est-il pas bien tard pour rompre comme cela ?

DIANE. — Qu’appelles-tu bien tard ? Est-ce que tu es folle ?

JENNY. — Oh ! madame, je sais bien que vous l’avez tenu à la distance qu’il fallait ? Mais enfin, promettre c’est s’engager.

DIANE. — Je ne lui ai rien promis de positif. Je l’ai toujours tenu entre la crainte et l’espérance. Je l’ai laissé se flatter, je ne l’ai pas flatté.

JENNY. — Ah ! c’est bien subtil, cela ? Faire espérer, c’est déjà accorder.

DIANE. — Oui, dans tes idées naïves et niaises. Mais nous avons un autre code, nous autres femmes du monde ; nous savons fort bien jusqu’où nous pouvons aller.

JENNY. — Eh bien, ma chère maîtresse, permettez à la pauvre niaise de Jenny de vous dire qu’elle craint que vous ne le sachiez pas.