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Page:Sand - Le Diable aux champs.djvu/205

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j’étais aigrie, j’étais amère, j’étais malheureuse, je haïssais le genre humain. J’aurais voulu l’écraser sous mes pieds ! Mais Jenny vient de m’apporter une bonne nouvelle, quelque chose d’inespéré qui me sauve, et je me sens renaître. Et puis, vos duretés m’ont pénétrée d’effroi et de douleur. Je me sens toute petite auprès de vous ; j’en souffre ; je vois que je ne fais pas d’effet sur vous ! Vous voyez comme je me confesse ! Mais votre sévérité est paternelle, je le sens, et je veux qu’elle me soit salutaire. Venez me gronder souvent, ne m’épargnez pas. Tenez, je n’ai presque pas connu mon père ; soyez le mien ! Vous m’apprendrez la piété filiale, et, après cela, mon cœur s’ouvrira peut-être pour l’amour. Alors, vous me guiderez, vous me conseillerez, vous choisirez pour moi, vous me marierez !

JACQUES. — Ma chère madame, je vois que vous avez la tête vive. Tout à l’heure vous pleuriez, et j’ai remarqué que vous êtes fort nerveuse. Tout cela n’est ni de l’enthousiasme, ni de la sensibilité. Cependant, ce n’est pas de la sécheresse, ni de l’indifférence… Eh bien, voulez-vous, avant que je vous quitte, car il me semble que vous désirez être seule, que je vous dise tout à fait vos vérités.

DIANE — Oui, oui, dites. Je ne suis pas pressée de vous voir partir.

JACQUES. — Vous ne vous fâcherez pas ? vous ne vous chagrinerez pas ? Mais vous essayerez de traiter votre maladie, car vous m’avez appelé en consultation, et vous m’avez tourmenté, supplié et taquiné tant que j’ai refusé de faire le pédagogue ?

DIANE. — Oui, cher pédagogue, parlez, je veux être sauvée par vous.

JACQUES. — Eh bien, écoutez ! Je vous connais, à présent, et vous ne vous connaissez pas du tout. — Savez-vous ce que vous êtes ? Vous vous prenez pour une impératrice, pour un tyran, pour une tête froide, orgueilleuse et forte. Rien de tout cela… Vous n’êtes qu’une enfant !

DIANE, abattue. — Une enfant ? Eh bien, cela vaut mieux peut-être.