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Page:Sand - Le Diable aux champs.djvu/274

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JENNY. — Elle est affreuse ! Mais écoutez, madame : à mon idée, il y aurait bien peu d’hommes capables de croire en vous après cela.

DIANE. — Tu crois ? Bah ! tu le trompes ! Les hommes ne haïssent dans la coquetterie d’une femme que ce qui les blesse personnellement. Il se déclare beaucoup de détracteurs et d’ennemis auprès d’elle, parce que tous les hommes qui l’entourent ont eu ou allaient avoir des prétentions sur elle. Mais ceux qui ne la connaissent pas encore, en entendant raconter cela, désirent la connaître. Ils blâment aussi, c’est-à-dire qu’ils font semblant de blâmer, dans la crainte de passer pour faibles ; mais ils sont déjà épris, en imagination, de cette femme habile qu’il serait si glorieux de vaincre ou de jouer, et dans les fers de laquelle ils sont pourtant tout près de tomber à leur tour.

JENNY. — Comme la confiance vous est revenue ! Vous ne disiez pas tout cela, hier matin !

DIANE. — J’étais surprise, effrayée, j’avais perdu la tête !

JENNY. — Mais vous l’avez bien retrouvée, aujourd’hui ! Eh bien, madame, faites donc un essai. Vous dites que monsieur Florence vous plaît, et que vous êtes sûre de lui plaire ? Montrez-lui donc ces lettres !

DIANE. — Oh ! pour cela, jamais ! Je ne sais ce que Myrto a pu lui dire, mais il ne les a pas lues, et il croira toujours qu’elle a exagéré, d’autant plus qu’elle a dû exagérer, en effet. Florence est un homme très-fort, très-rigide, qui ne me passerait pas cela, et j’espère bien que tu ne lui diras jamais…

JENNY. — Non, madame, je ne dirai jamais rien à personne contre vous, vous le savez bien. Mais puisque monsieur Florence est trop sévère pour pardonner cela, il faut donc être meilleur, ou aimer davantage, si on le pardonne ?

DIANE. — Je te vois venir ! Il faut être plus fort ou plus faible. Gérard le pardonnerait par faiblesse, s’il le pardonnait !

JENNY. — Moi, je dis qu’avec cette faiblesse-là, il sera