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Page:Sand - Le Diable aux champs.djvu/82

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EUGÈNE. — Le curé de Saint-Abdon, s’il n’a pas peur de se compromettre.

MAURICE. — Et le curé de Noirac, s’il n’a pas peur de se damner.

DAMIEN. — Ils auront peur tous les deux, et cependant il n’y a pas de quoi ! Si nous invitions les domestiques du château ?

MAURICE. — Oui, il y a une soubrette qui est jolie, et qui a l’air d’un petit ange.

EUGÈNE. — Alors, pas de légèretés dans le dialogue !…

MAURICE. — Oh ! toutes nos pièces sont morales. La morale avant tout !

EUGÈNE. — Et puis, il y a un nouveau jardinier qui m’a l’air d’un charmant garçon et avec qui j’ai fait connaissance ce matin. Quoique fleuriste, il entend la beauté du légume, et il m’a promis des géromons tachetés pour mon tableau de salle à manger.

DAMIEN. — Inviterons-nous le beau marquis ?

EUGÈNE. — Ce blondasse de Gérard ? Tu le trouves amusant, toi ?

DAMIEN. — Non ; mais ça fait nombre ! Nous le représenterons sans qu’il s’en doute. Nous habillerons le Léandre comme lui, et nous lui mettrons une barbe de peau de veau, il parlera en grasseyant et il soupirera pour la dame de Noirac, qui s’appellera Isabelle, et qui ne paraîtra jamais en scène que sur le cheval de carton.

EUGÈNE, — Une idée ! oh mais, lumineuse ! Si nous invitions la lionne de Noirac ?

DAMIEN. — Ah bah !

MAURICE. — Pourquoi non ? Je me charge de lui envoyer une invitation en beau style.

DAMIEN. — Elle ne viendra pas, elle est trop bégueule !

MAURICE. — Bah ! bah ! elle fait sa tête ; mais je ne la crois pas bégueule du tout.

EUGÈNE. — Allons l’inviter en corps ; Maurice fera le tambour ; moi, la trompette, et toi, Damien, tu porteras la parole.