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Page:Sand - Le Marquis de Villemer.djvu/111

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la loi et la nécessité du commerce ; il gagne cinq fois cent pour cent. Il est vrai que les marchands sont punis souvent par où ils pèchent, et qu’en se faisant trop de concurrence, ils se paralysent, comme les paysannes ont paralysé leur travail en faisant toutes le même travail. Ceci est la loi et le châtiment du commerce.

Mais je t’en ai dit assez pour tenir ma promesse et pour te donner une idée générale du pays. Cher frère, tu as exigé une longue lettre, prévoyant que, dans mes heures de solitude et d’insomnie, je songerais trop à moi-même, à ma triste vie, à mon douloureux passé, auprès de cet enfant qui dort là pendant que je t’écris ! Il est vrai que sa présence réveille bien des blessures, et que c’est m’avoir rendu service que de me forcer à m’oublier moi-même en généralisant mes impressions. — Pourtant… je trouve là aussi des attendrissements immenses qui ne sont pas sans douceur. Fermerai-je ma lettre sans te parler de lui ? — Tu vois, j’hésite, je crains de te faire sourire. — Tu as la prétention de détester les enfants. Moi, sans éprouver cette répugnance, je redoutais autrefois le contact de ces êtres dont la fragile candeur effrayait ma raison. Aujourd’hui je suis bien changé, et quand tu devrais te moquer de moi, il faut que je t’ouvre mon âme sans réserve. Oui, oui, mon ami, il le faut. Je dois, pour que tu me connaisses tout entier, surmonter la mauvaise honte.

Eh bien ! vois-tu, cet enfant, je l’adore, et je vois