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Page:Sand - Le Marquis de Villemer.djvu/115

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manoir. Cette petite ville est très-bien située. On y arrive par une rampe de montagne ou plutôt par la fente d’un ravin assez profond, car de montagne il n’y en a pas à proprement parler. On quitte de grands plateaux, d’un terrain maigre et humide, couverts de petits arbres et de grands buissons, et on descend dans une gorge longue, sinueuse, qui, par endroits, s’élargit assez pour devenir vallée. Au fond de cette gorge, qui bientôt se ramifie, coulent des rivières de vrai cristal, point navigables et plutôt torrents que rivières, quoiqu’elles ne fassent que filer vite en bouillonnant un peu, et sans menacer personne. Pour moi qui ne connais que nos grandes plaines et nos grandes rivières plates, je suis très-portée à voir ici tout en élévations et en abîmes ; mais la marquise, qui a vu les Alpes et les Pyrénées, se moque de moi, et prétend que tout ceci est petit comme un surtout de table. Aussi je me défends de la description enthousiaste avec toi, pour ne pas égarer ton jugement ; mais la marquise, qui n’aime pas la nature bien follement, ne viendra pas à bout de m’empêcher d’être ravie de ce que je vois.

C’est un pays d’herbes et de feuilles, un continuel berceau de verdure. La rivière qui descend le ravin s’appelle la Vouèze, et puis, mêlée à Chambon avec la Tarde, elle devient le Char, lequel, au bout de la première vallée, s’appelle le Cher, que tout le monde connaît. Moi je tiens pour le Char ; le nom va bien à cette eau qui roule réellement avec l’allure d’une voiture bien lancée sur une pente douce, où rien ne la fait