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Page:Sand - Le Marquis de Villemer.djvu/170

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de la plume ni des lèvres, à faire naître des velléités et jamais des attachements, enfin à emporter les positions par surprise, sans avoir l’air d’y tenir, et en ne descendant jamais à solliciter. Pour se trouver toujours bien appuyée dans l’occasion par des amis utiles, elle en prenait partout, voyait, accueillait tout le monde sans grand choix, par bonté ou légèreté bien jouée, enfin pénétrait habilement dans les maisons les plus rigides, et savait s’y rendre nécessaire en peu de temps.

C’est ainsi que madame d’Arglade s’était faufilée presque dans l’intimité de madame de Villemer, en dépit des préventions de la noble dame contre son origine, sa position et les fonctions de son mari ; mais Léonie d’Arglade affichait une absence complète d’opinions politiques, et finement elle allait demandant pardon à tout le monde de sa nullité, de son incapacité sous ce rapport, ce qui était le moyen de ne choquer personne et de faire oublier le zèle obligé de son mari pour la cause qu’il servait. Elle était gaie, étourdie, parfois bête, en riant d’elle-même aux éclats, mais riant intérieurement de la simplicité des autres, et réussissant à passer pour l’enfant la plus naïve, la plus désintéressée de la terre, lorsque toutes ses démarches étaient calculées et tous ses abandons prémédités.

Elle avait fort bien compris qu’un certain monde, quelque divisé d’opinions qu’il soit, se tient toujours par quelque indissoluble lien de parenté ou de