Page:Sand - Le Marquis de Villemer.djvu/237

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subir un moment de faiblesse que de trop lutter contre elle-même. Elle savait bien que, dans la lutte ouverte, les instincts de personnalité se réveillent malgré nous et nous font chercher une issue, un compromis avec l’austérité du devoir ou de la destinée. Elle s’interdit de rêver et de réfléchir ; mieux valait s’ensevelir et pleurer.

Elle ne revit M. de Villemer que le soir, vers minuit, au moment où se retiraient les habitués de la maison ; il arrivait avec le duc, tous deux en toilette de soirée. Ils venaient de chez la duchesse de Dunières.

Caroline voulut se retirer aussi. La marquise la retint en disant : — Oh ! tant pis, ma chère, vous vous coucherez ce soir un peu plus tard. Ceci en vaut bien la peine ; nous allons savoir ce qui s’est passé.

L’explication ne se fit pas longtemps attendre. Le duc avait l’air incertain et comme étonné ; mais le marquis avait une physionomie ouverte et calme. — Ma mère, dit-il, j’ai vu mademoiselle de Xaintrailles. Elle est belle, aimable, pleine de séductions ; je ne sais pas quels sentiments elle ne pourrait pas inspirer à un homme qui aurait le bonheur de lui plaire, mais je n’ai pas eu ce bonheur-là. Elle ne m’a pas regardé deux fois, tant la première avait suffi pour asseoir son jugement sur mon compte.

Et comme la marquise consternée gardait le silence, le marquis lui prit et lui baisa les mains en ajoutant : — Mais il ne faut pas que cela vous affecte le moins du monde. Au contraire, je vous arrive plein de rêves,