Page:Sand - Le Marquis de Villemer.djvu/25

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du jour au lendemain. On essaye de prendre des termes avec les créanciers, on croit pouvoir sauver quelques débris, on passe par une série d’incertitudes, d’étonnements, d’espérances déçues, jusqu’au jour où voyant tous les efforts inutiles, on accepte bien ou mal sa situation. Camille fut très-abattue de ce désastre auquel, jusqu’au dernier moment, elle se refusait à croire ; mais elle était bien mariée, et ne souffrit réellement pas de la gêne. Caroline, plus prévoyante, fut moins sensible en apparence au dénûment absolu dans lequel il lui fallut tomber. Son beau-frère ne voulut pas qu’il fût question de se quitter, et lui fit généreusement partager l’aisance de la famille ; mais elle comprit bien que sa vie était perdue, et sa fierté en augmenta. Sentant que sa sœur manquait d’ordre et d’activité, voyant d’ailleurs qu’elle subissait d’année en année les labeurs et les préoccupations de la maternité, elle se fit la gouvernante de sa maison, la bonne de ses enfants, la première servante en un mot du jeune ménage, et dans cette austère fonction du dévouement elle sut mettre tant de grâce, de bon sens et de cordialité que tout fut heureux autour d’elle, et qu’elle rendit plus de services qu’elle n’en acceptait. Puis vint la maladie du beau-frère, sa mort, quelques dettes arriérées qu’il avait cachées, comptant pouvoir les acquitter peu à peu, sans effort, sur son traitement ; bref, la gêne, l’effroi et le trouble de Camille, enfin le découragement et la misère de la jeune veuve.