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Page:Sand - Le Marquis de Villemer.djvu/283

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de Paris, un Guide, avec un plan du chef-lieu et des environs, qu’elle avait bien étudié en route. Elle monta donc dans la patache d’Issingeaux, en disant au conducteur qu’elle s’arrêtait à Brives, c’est-à-dire à une lieue du Puy. Là, elle se fit descendre au pont de la Loire, et disparut sans demander son chemin à personne. Elle savait qu’elle avait à suivre la Loire jusqu’à sa rencontre avec la Gâgne, puis à se diriger sur La Roche-Rouge, en suivant le torrent qui passe au pied et en remontant son cours jusqu’au premier village. Il n’y avait pas à se tromper. C’était environ trois lieues à faire à pied, dans le désert, et il était minuit ; mais le chemin était doux, et la lune se dégageait claire, en beau demi-globe, des gros nuages blancs refoulés à l’horizon par une bonne brise de mai.

Où allait donc ainsi mademoiselle de Saint-Geneix, en pleine nuit et en pleine montagne, dans un pays perdu ? Ne se rappelle-t-on pas qu’elle avait par là, au village de Lantriac, des amis dévoués et la plus sûre de toutes les retraites ? Sa bonne nourrice, la femme Peyraque, autrefois Justine Lanion, lui avait écrit une seconde lettre, il y avait environ six semaines, et Caroline, se rappelant avec certitude qu’elle n’avait jamais eu occasion de parler au marquis, ni à personne de sa famille, de ces lettres, de ces gens et de ce pays, avait eu la rigide inspiration d’aller passer là un mois ou deux, avec la certitude de faire perdre entièrement sa trace. De là ses précautions pour n’être vue de