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Page:Sand - Le Marquis de Villemer.djvu/301

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« Le mari sut me dire le nom du torrent et de la cascade ; mais quand je lui demandai celui des montagnes de l’horizon, il me dit qu’il n’en savait rien, n’y ayant jamais été. — Mais vous avez bien ouï dire que ce sont les Cévennes ?

« — Peut-être ! Il y a par là le Mezenc et le Gerbier-de-Joncs, mais je ne sais pas comment ils sont faits.

« Je les lui montrai ; ils sont assez reconnaissables : le Mezenc, la plus haute des cimes, et le Gerbier, un cône élégant, qui renferme, dit-on, dans son cratère des joncs et des herbes de marécage. Le bonhomme ne regarda seulement pas. Cela lui était parfaitement égal. Il me fit voir les grottes des anciens sauvages, c’est-à-dire une espèce de village gaulois ou celtique creusé dans le rocher avec les mêmes précautions qu’en mettent les animaux du désert pour cacher leurs tanières, car on peut regarder et suivre ce rocher sans y rien découvrir, si l’on ne connaît le sentier par où l’on pénètre dans ses plis et dans les habitations. Ah ! ma chère Camille, est-ce que ne me voilà pas un peu comme ces anciens sauvages qui, redoutant les invasions, se cachaient dans les cavernes, et cherchaient leur repos dans l’oubli du monde entier ?

« En tout cas, les habitants de La Roche me font bien l’effet d’être les descendants directs de ces pauvres Celtes cachés et comme cloués sur leur rocher. Je regardais la femme aux jambes nues et à l’œil hébété qui nous conduisait dans les grottes, et je me demandais si vraiment trois ou quatre mille ans s’étaient