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Page:Sand - Le Marquis de Villemer.djvu/333

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prouver en lisant la lettre de sa sœur ; mais elle avait une nouvelle préoccupation. M. de Villemer ne lui avait jamais dit qu’il eût vu de ses yeux le manoir de Polignac, mais il en avait fait dans son livre une belle et fidèle description ; il l’avait pris comme un des types de la force des repaires féodaux du moyen âge, et Caroline savait qu’il avait souvent voyagé dans les provinces pour aller se pénétrer lui-même de l’impression des lieux historiques. Elle interrogeait tous les replis de sa mémoire pour y retrouver ce qui ne pouvait pas y être, à savoir s’il ne serait pas échappé au marquis de lui dire qu’il avait été là. — Non ! se répondait-elle ; s’il me l’eût dit, j’en aurais été frappée à cause des noms de Lantriac et du Puy, que Justine m’avait rappelés. — Alors elle cherchait à se souvenir encore si, à propos de Polignac, elle n’avait point parlé de Lantriac et de Justine ; mais cela n’avait pas eu lieu, elle en était sûre ; elle se tranquillisait.

Elle restait cependant émue et pensive. Pourquoi s’était-elle prise d’amour pour cet enfant inconnu ? Qu’avait-il donc de si particulier dans les yeux, dans l’attitude et le sourire ? Est-ce qu’il ne ressemblait pas au marquis ? Est-ce que, dans l’idée qui lui était subitement venue d’élever un enfant et de désirer celui-là, il n’y avait pas un vague instinct plus puissant que le hasard et les instigations de Peyraque ?

À tout ce trouble se joignait, en dépit de Caroline, le tourment secret d’une jalousie confuse. Il aurait donc un fils, un enfant de l’amour ? se disait-elle. Il