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Page:Sand - Le Marquis de Villemer.djvu/65

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— Et ils l’usent ! Elle était lasse de tromper et par conséquent de souffrir. La seule crainte de me désespérer l’empêchait de rompre avec moi. J’ai beaucoup manqué de courage, elle est morte à la peine… et par ma faute !

— Mais non ! mais non ! Que t’imagines-tu là pour te tourmenter ?…

— Je n’imagine rien, et ma douleur est sans ressources comme ma faute sans excuse. Tu vas voir. Dans un de ces accès de passion où l’on voudrait, en dépit de Dieu et des hommes, s’approprier à jamais l’objet aimé, je l’ai rendue mère. Elle m’a donné un fils que j’ai sauvé, caché, et qui existe ; mais elle, voulant ne pas faire naître de soupçons, elle a reparu dans le monde dès le lendemain de sa délivrance. Elle y était belle et animée ; elle parlait et marchait malgré la fièvre : vingt-quatre heures après, elle était morte ! Personne n’a jamais rien su. Elle passait pour la personne la plus rigide…

— Je sais qui c’est ! Madame de G…

— Oui ! toi seul au monde possèdes ce secret.

— Oh ! sois tranquille ! ma mère elle-même ne se doute pas ?…

— Ma mère ne se doute de rien.

Le duc garda un instant le silence, puis il dit en soupirant : — Pauvre frère ! cet enfant qui existe et que tu chéris probablement…

— Certes !

— Je l’ai ruiné aussi, celui-là !