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Page:Sand - Le Marquis de Villemer.djvu/92

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saire pour la vaincre. — C’est une bonne fille, se disait-il, point ambitieuse, et tout à fait désintéressée. Je l’ai jugée du premier coup d’œil, et ma mère affirme que je ne me trompe pas. Elle cédera par besoin d’aimer, par entraînement aussi, car mon frère a de grandes séductions pour une femme intelligente. Si elle lui résiste quelque temps, ce sera tant mieux, il s’attachera d’autant plus à elle. Ma mère n’y verra rien, et si elle y voit, ça l’agitera, ça l’occupera aussi. Elle sera bonne, elle prêchera la vertu et cédera à l’attendrissement. Ces petites émotions domestiques la sauveront de l’ennui qui est son plus grand fléau.

Le duc se livrait avec la plus parfaite candeur à ces calculs, dont l’immoralité faisait la base. Il s’y attendrissait lui-même avec cette sorte de puérilité qui caractérise parfois la corruption comme un épuisement. Il souriait en lui-même en regardant la belle victime déjà immolée en imagination à ses projets, et si quelqu’un l’eût interrogé, il eût répondu en riant qu’il était en train d’arranger un roman à la Florian, pour commencer la vie de sentiment et d’innocence qu’il comptait embrasser.

Il resta toute la soirée, et trouva moyen de saisir Caroline dans un coin et de lui parler. — Ma mère m’a grondé, lui dit-il. Il paraît que j’ai été absurde avec vous. Je ne m’en doutais pas, moi qui avais justement le désir de vous prouver mon respect. Enfin ma mère m’a fait donner ma parole d’honneur que je