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Page:Sand - Le Péché de Monsieur Antoine, Pauline, L’Orco, Calman-Lévy, 18xx, tome 1.djvu/105

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parfumées. Cela ne m’empêchera pas de donner à M. Émile un grand pot de mes confitures pour sa maman, si elle veut bien les accepter.

— Ma mère ne voudrait pas vous en priver, ma chère demoiselle Janille, répondit Émile, touché surtout de la naïve générosité de Gilberte, et comparant dans son cœur les bonnes intentions candides de cette pauvre famille avec les dédains de la sienne.

— Oh ! reprit Gilberte en souriant, cela ne nous privera pas. Nous avons et nous pouvons recommencer une ample provision de ces fruits. Ils ne sont pas rares chez nous, et si nous n’y prenions garde, les ronces qui les produisent perceraient nos murs et pousseraient jusque dans nos chambres.

— Et à qui la faute, dit Janille, si les ronces nous envahissent ? N’ai-je pas voulu les couper toutes ? Certainement j’en serais venue à bout sans l’aide de personne, si on m’eût laissée faire.

— Mais moi, j’ai protégé ces pauvres ronces contre toi, chère petite mère ! Elles forment de si belles guirlandes autour de nos ruines, que ce serait grand dommage de les détruire.

— Je conviens que cela fait un joli effet, reprit Janille, et qu’à dix lieues à la ronde on ne trouverait pas d’aussi belles ronces, et produisant des fruits aussi gros !

— Vous l’entendez, monsieur Émile ! dit à son tour M. Antoine. Voilà Janille tout entière. Il n’y a rien de beau, de bon, d’utile et de salutaire qui ne se trouve à Châteaubrun. C’est une grâce d’état.

— Pardine, Monsieur, plaignez-vous, dit Janille ; oui, je vous le conseille, plaignez-vous de quelque chose !

— Je ne me plains de rien, répondit le bon gentilhomme : à Dieu ne plaise ! entre ma fille et toi, que pourrais-je désirer pour mon bonheur ?