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Page:Sand - Le Péché de Monsieur Antoine, Pauline, L’Orco, Calman-Lévy, 18xx, tome 1.djvu/111

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niez ici en vacances, vous étiez un jeune homme accompli ; nul n’était plus adroit que vous aux exercices du corps : vous faisiez sauter votre balle jusque par-dessus la grande tour, et lorsque vous appeliez vos chiens, vous aviez la voix si forte qu’on vous entendait de Cuzion.

— Tout cela ne constitue pas de fort bonnes études, dit M. Antoine, riant de ce panégyrique.

— Quand vous fûtes en âge de quitter les écoles, c’était le temps de la guerre avec les Autrichiens, les Prussiens et les Russiens. Vous vous battîtes fort bien, à preuve que vous reçûtes plusieurs blessures.

— Peu graves, dit M. Antoine.

— Dieu merci ! reprit Janille. Voudriez-vous pas être éclopé et marcher sur des béquilles ? Vous avez cueilli le laurier, et vous êtes revenu couvert de gloire, sans trop de contusions.

— Non, non, Janille, fort peu de gloire, je t’assure. Je fis de mon mieux ; mais quoi que tu en dises, j’étais né quelques années trop tard ; mes parents avaient trop longtemps combattu mon désir de servir mon pays sous l’usurpateur, comme ils l’appelaient. J’étais à peine lancé dans la carrière, qu’il me fallut revenir au logis, traînant l’aile et tirant le pied, tout consterné et désespéré du désastre de Waterloo.

— Monsieur, je conviens que la chute de l’Empereur ne vous fut pas avantageuse, et que vous eûtes la bonté de vous en chagriner, bien que cet homme-là ne se fût pas fort bien conduit avec vous. Avec le nom que vous portiez, il aurait dû vous faire général tout de suite, au lieu qu’il ne fit aucune attention à votre personne.

— Je présume, dit M. de Châteaubrun en riant, qu’il était distrait de ce devoir par des affaires plus sérieuses et plus nécessaires. Enfin, tu conviens, Janille, que ma carrière militaire fut brisée, et que, grâce à ma belle