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Page:Sand - Le Péché de Monsieur Antoine, Pauline, L’Orco, Calman-Lévy, 18xx, tome 1.djvu/121

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chères de Paris, quoique ce fût une bonne pension, je m’en flatte.

— Allons, dit Gilberte en l’embrassant, tu mens avec aplomb, mère Janille ; mais tu n’empêcheras jamais mon père et moi de croire que Châteaubrun a été racheté de tes deniers, qu’il t’appartient en réalité, et que, bien que tu aies acquis cela sous notre nom, nous ne soyons ici chez toi.

— Du tout, du tout, mademoiselle, répondit la noble Janille, cette singulière petite femme qui aimait à se vanter à tout propos et à faire l’entendue sur toutes choses, mais qui, pour conserver à ses maîtres la dignité de leur position, dont elle était plus jalouse qu’eux-mêmes, niait énergiquement la plus belle action de sa vie, — du tout, vous dis-je, je n’y suis pour rien. Est-ce ma faute si votre papa ne sait pas compter jusqu’à cinq, et si vous avez la même insouciance que lui ? Oui-dà ! vous connaissez bien le compte de vos recettes et de vos dépenses, tous les deux ! Qu’on vous laisse faire, et nous verrons comment vous vous en tirerez ! Je vous dis que vous êtes ici chez vous, et que si je puis me vanter d’une chose, c’est d’avoir mis assez d’ordre et d’économie dans vos affaires, pour que monsieur se soit trouvé un beau matin plus riche qu’il ne pensait.

« Là-dessus, ajouta Janille, je reprends et j’achève notre histoire pour M. Émile. Nous rachetâmes le château. Jean Jappeloup et M. Antoine refirent eux-mêmes toute la charpente et toute la menuiserie de ce pavillon, et pendant qu’ils achevaient leur ouvrage, qui ne dura guère que six mois, j’allai à Paris chercher notre fille, heureuse et fière de l’amener dans le château de ses ancêtres, qu’elle se souvenait à peine d’avoir habité dans ses premières années, la pauvre enfant ! Depuis ce temps-là, nous vivons fort heureux, et quand j’entends M. An-