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Page:Sand - Le Péché de Monsieur Antoine, Pauline, L’Orco, Calman-Lévy, 18xx, tome 1.djvu/259

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« Je me sens mieux, ce ne sera rien ; mais je suis fatigué comme si j’avais fait une longue route, et j’ai besoin de me reposer quelque temps. Du silence, Martin ; peu de jour, peu de soins et pas de médecin : voilà ce que je t’ordonne. Ne sois pas inquiet. »

« Et comme je ne pouvais pas m’empêcher d’avoir peur, continua le vieux familier, M. le marquis m’a dit :

« — Sois tranquille, brave homme, ce ne sera pas encore pour cette fois-ci. »

— Est-ce que M. le marquis est sujet à de telles indispositions ? demanda Émile ; sont-elles graves ? durent-elles longtemps ? »

Mais il avait oublié que Martin n’entendait d’autre parler que celui de son maître, et, sur un geste de ce dernier, Martin était déjà sorti de l’appartement.

« J’ai laissé parler ce pauvre sourd, dit M. de Boisguilbault ; rien n’eût servi de l’interrompre. Mais, d’après son récit, ne me prenez pas pour un poltron.

« Je ne crains point la mort, Émile ; je l’ai beaucoup désirée autrefois : désormais, je l’attends avec calme. Il y a déjà longtemps que je sens ses approches ; mais elle vient lentement, et je mourrai comme j’ai vécu, sans me presser.

« Je suis sujet à des fièvres intermittentes qui m’ôtent l’appétit et le sommeil, mais dont personne ne s’aperçoit, parce qu’elles me laissent assez de forces pour le peu qu’il m’en faut.

« Je ne crois pas à la médecine ; jusqu’ici, elle n’a trouvé le moyen d’enlever le mal qu’en attaquant la vie dans son principe. Sous quelque forme que ce soit, c’est de l’empirisme, et j’aime mieux plier sous la main de Dieu que bondir sous celle d’un homme.

« Cette fois j’ai été plus accablé que de coutume ; je me suis senti plus faible d’esprit, et, je vous l’avouerai sans