Page:Sand - Le Péché de Monsieur Antoine, Pauline, L’Orco, Calman-Lévy, 18xx, tome 1.djvu/318

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— Moi, moi ? dit Jappeloup, je me sens aussi bon pour cette besogne-là que si j’avais encore vingt-cinq ans.

— Et vous n’êtes pas aviné ? dit Janille en prenant la manche de Jean, et en se dressant sur la pointe des pieds pour lui regarder dans les yeux.

— Regardez, regardez à votre aise ! dit-il. Si vous voulez faire ce que je vais faire, je déclare que je suis gris ! » Et il plaça sur sa tête une cruche d’eau que Janille tenait à la main, puis se mit à courir sans la renverser.

« C’est bien, dit Janille, j’en ferais autant si je voulais, mais c’est fort inutile, et je suis sûre de vous : je vous confie ma fille. Pour moi, je n’ai pas le temps de vous suivre : et vous, monsieur Émile, vous veillerez un peu sur le père, car il est capable de vouloir mettre pied à terre au beau milieu de l’eau, s’il est en train de rire ou de causer.

— Et qui veillera sur le Maljuché ? dit Jappeloup en montrant Galuchet qui partait en avant avec M. Antoine. Je ne m’en charge pas.

— Ni moi ! dit Gilberte.

— Soyez en repos, dit Émile, je me charge de le faire tenir tranquille.

— Il n’est pas sûr que vous en veniez à bout, reprit Jean : s’il n’est pas ivre, il n’en vaut guère mieux. On ne peut pas dire qu’il soit tout à fait riche, mais il est à son aise. Il aurait plus besoin d’un lit que d’une barque.

— Vous verrez comment il descend la montagne, dit Janille, et, s’il menace de vous faire chavirer, laissez-le sur les cailloux, à la rive. »

Galuchet se trouva installé dans la barque avec M. de Châteaubrun, quand les autres y arrivèrent. Il était rouge et silencieux. Mais quand on fut au milieu de l’eau, ce courant rapide lui donna le vertige, et il commença à se pencher si fort de côté et d’autre, que Jap-