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Page:Sand - Le Secrétaire intime — Mattéa — La Vallée noire, 1884.djvu/254

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cela peut se faire au moyen d’un regard qu’on lui permet d’échanger en détournant soi-même la tête et en fredonnant d’un air distrait. Spada entendit l’horloge de la place sonner l’heure de son rendez-vous avec Abul. Le temps pressait  ; tant de chalands pouvaient être déjà dans le port autour du bâtiment smyrniote !

« Allons, prends ton voile, dit-il à sa fille, et viens faire un tour de promenade. La fraîcheur du soir te fera du bien, et nous causerons plus tranquillement. »

Mattea obéit.

« Où donc menez-vous cette fille égarée ? s’écria Loredana en se mettant devant eux au moment où ils sortaient de la boutique.

— Nous allons voir la princesse, répondit Zacomo. »

La mère les laissa passer. Ils n’eurent pas fait dix pas qu’ils rencontrèrent Abul et son interprète qui venaient à leur rencontre.

« Allons faire un tour sur la Zueca » leur dit Zacomo  ; ma femme est malade à la maison, et nous causerons mieux d’affaires dehors. »

Timothée sourit et comprit très-bien qu’il avait greffé dans le cœur de l’arbre. Mattea, très-surprise et saisie de défiance, sans savoir pourquoi, s’assit toute seule au bord de la gondole et s’enveloppa dans sa mantille de dentelle noire. Abul, ne sachant absolument rien de ce qui se passait autour de lui et à cause de lui, se mit à fumer, à l’autre extrémité avec l’air de majesté qu’aurait un homme supérieur en faisant une grande chose. C’était un vrai Turc, solennel, emphatique et beau, soit qu’il se prosternât dans une mosquée, soit qu’il ôtât ses babouches pour se mettre au lit. M. Zacomo, se croyant plus fin qu’eux tous, se mit à lui témoigner beaucoup de prévenance  ; mais chaque fois qu’il jetait les yeux sur sa fille, un sentiment de remords s’emparait de lui. — Regarde-