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Page:Sand - Le compagnon du tour de France, tome 1.djvu/194

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Amaury ; dame ! elle le regardait comme si elle eût voulu le manger des yeux.

— Allons donc, imbécile ! c’est toi qu’elle regardait ! dit Amaury. Tu peux bien en convenir : ce n’est pas ta faute si tu es beau garçon.

— Oh ! pour ce qui est de cela, vous voulez rire, répondit le Berrichon. Jamais aucune espèce de femme ne m’a regardé, ni riche ni pauvre, ni jeune ni vieille, excepté la Mère… je veux dire la Savinienne, avant qu’elle fût dans les pleurs pour son défunt.

— Elle te regardait, toi ? s’écria Amaury en rougissant.

— Oui, en pitié, répondit le Berrichon, qui ne manquait pas de bon sens en ce qui lui était personnel ; et elle me disait souvent : Mon pauvre Berrichon, tu as un si drôle de nez et une si drôle de bouche ! Est-ce ton père ou ta mère qui avait ce nez-là et cette bouche-là ?

— Enfin, l’histoire de la dame ? reprit le père Huguenin.

— L’histoire est finie, répliqua le Berrichon. Elle est sortie comme elle est entrée, et M. Hippolyte…

— M. Isidore, interrompit l’obstiné père Huguenin.

— Comme il vous plaira, reprit le Berrichon. Son nom n’est pas plus beau que son nez. De sorte que, il s’est établi à côté de nous, les bras croisés comme l’empereur Napoléon tenant sa lorgnette ; et voilà qu’il s’est mis à dire que nous faisions de la pauvre ouvrage, de la pauvreté d’ouvrage, quoi ! Et voilà que tout d’un coup le pays… le camarade Amaury ne lui a rien répondu, et que, tout de suite, moi, j’ai continué à scier mes planches sans rien dire. C’est ce qui l’a fâché, le monsieur ! Il aurait souhaité sans doute qu’on lui demandât pourquoi l’ouvrage ne lui plaisait pas. Et alors il a pris une pièce, en disant que c’était du mauvais matériau, que le bois était déjà fendu, et que, si on laissait tomber ça, ça se casserait comme un verre. Et voilà que le Corinthien (pardon, notre maître,