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Page:Sand - Le compagnon du tour de France, tome 1.djvu/234

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ce tête-à-tête insignifiant ; j’y ai songé depuis. Un homme est toujours un homme, quoi qu’on en dise. Je ne causerais pas tête à tête dans mon cabinet avec Isidore Lerebours, par exemple…

— Parce qu’il est sot, suffisant, mal-appris !

— Un artisan, comme Pierre Huguenin, par exemple, qui n’est ni mal-appris, ni suffisant, ni sot, est donc beaucoup plus un homme que M. Isidore ?

— Oh ! cela est certain !

— Et pourtant tu n’irais pas dessiner dans un atelier où il y aurait plusieurs Isidores rassemblés !

— Oh ! non, certes ! Pourtant je m’y croirais bien seule ; et si j’étais condamnée à vivre dans une île déserte avec le plus parfait d’entre eux…

— Tu ferais le portrait des bêtes les plus laides plutôt que le sien, je le conçois… Mais qu’est-ce donc que ce personnage que je vois là ?

Tout en parlant avec sa cousine, Yseult avait ouvert le carton de dessins, et elle avait trouvé celui de l’atelier. Elle y avait jeté les yeux sans que Joséphine préoccupée songeât à l’en empêcher, et elle venait d’y remarquer une jolie petite figure posée gracieusement sur un fût de colonne gothique.

Joséphine fit un petit cri, s’élança sur le dessin, et voulut l’arracher des mains de sa cousine, qui le lui dérobait en courant autour de la chambre. Ce jeu dura quelques instants ; puis, Joséphine, qui était très-nerveuse, devint toute rouge de dépit, et arracha le dessin, dont une moitié resta dans les mains d’Yseult : c’était précisément la moitié où figurait le personnage.

— C’est égal, dit Yseult en riant, il est fort gentil, vraiment ! Pourquoi te fâches-tu ainsi ? Eh bien ! te voilà avec les yeux pleins de larmes ? que tu es enfant ! Tu vou-