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Page:Sand - Les Dames vertes, 1879.djvu/152

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absorbent les trois quarts de la vie d’un jeune homme. Je ne songeais plus à l’amour, je fuyais le monde, je ne paradais plus avec les hommes de mon âge sous les yeux des belles dames du pays. J’étais retiré, méditatif, austère, très-doux avec les miens, très-modeste avec tout le monde, très-ardent aux luttes du barreau. Je passai pour un garçon accompli, mais j’étais profondément malheureux.

C’est que je nourrissais, avec un stoïcisme étrange, une passion insensée et sans analogue dans la vie. J’aimais une ombre ; je ne pouvais même pas dire une morte. Toutes mes recherches historiques n’avaient abouti qu’à me prouver ceci : Les trois demoiselles d’Ionis n’avaient peut-être jamais existé que dans la légende. Leur histoire, placée par les derniers chroniqueurs à l’époque de Henri II, était déjà une vieille chronique incertaine à cette même époque. Il ne restait d’elles ni un titre, ni un nom,