Page:Sand - Les Deux Freres.djvu/25

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rais donné l’absolution, mais la preuve que j’avais du contraire ! Je ne pouvais pas la lui mettre sous les yeux, cette preuve que je rougissais d’avoir conquise. Je ne me sentais capable de la montrer que dans un cas de péril extrême pour Roger.

J’obtins facilement la confidence détaillée de ses entrevues avec Gaston. Elle faisait secrètement tous les ans, vers le mois de mai, un voyage à Montesparre. De là, déguisée en paysanne, elle allait soit à Flamarande, où elle entrait par un couloir souterrain aboutissant à l’intérieur du donjon habité par Ambroise et Gaston, soit au Refuge, d’où, selon elle, M. de Salcède s’exilait pendant quelques jours, soit dans quelque foire du pays où Ambroise, accompagné du jeune homme, conduisait les chevaux élevés par Michelin. Pour les vêtements, les connaissances spéciales, le langage et les manières de surface, Espérance était bien le fils de Michelin ou d’Ambroise. Il ne lui en coûtait pas de parler le patois, d’équiter pour la montre les chevaux nus, de manger au cabaret, de faire échange de quolibets avec les maquignons. On était tout surpris de découvrir en lui un homme parfaitement civilisé quand il se retrouvait avec ses pareils. La comtesse me raconta sa dernière entrevue avec lui.

— Cette année, c’était dans un buron du puy Mary, me dit-elle. Il lui avait pris fantaisie d’aller passer la saison sur les hauteurs avec les bergers,