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Page:Sand - Les Deux Freres.djvu/68

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que je peux te rendre heureuse, et qu’il m’accorde ce que je lui avais demandé avec ta main.

— Ah quoi donc ?

— Il me faut un nom, Charlotte ; je ne veux pas que tu sois la femme d’un inconnu. Je veux le plus beau des noms pour mon cœur, le tien ! Je veux être Espérance Michelin. À présent, ton père dira oui.

— Oh ! certainement ; mais M. Alphonse, consent-il à tout cela ?

— M. Alphonse ne peut consentir à rien et rien empêcher, voilà ce qu’il m’a dit encore aujourd’hui. Il n’a aucun droit sur moi ni sur mes parents. Il ne connaît pas mon père ; il ne sait même pas si mon père existe. Il n’a pas d’autre pouvoir sur moi que celui de la grande amitié qu’il me porte et que je lui rends de toute mon âme. Il ne croit pas que je doive me marier si jeune et sans consulter ma mère ; mais, moi, je suis sûr de ma mère, je lui ai déjà parlé de toi l’an dernier : elle m’a dit d’attendre, comme M. Alphonse me dit d’attendre. Attendre quoi ? Que ton père te promette à un autre ? Il est tenté par les trente mille francs du fils de Simon le meunier. Il faut qu’il sache bien vite que je suis encore plus riche. M. Alphonse, qui a passé la soirée ici, ne sait pas cela. Il le saura tantôt, quand je rentrerai chez lui ; mais le plus pressé, c’est que ton père le sache. Viens.

Les deux enfants repassèrent devant moi