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Page:Sand - Les Deux Freres.djvu/93

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dit non, un certain Simon, fils du meunier de Saint-Julien, un beau gars, riche pour un paysan, et qui rêvait d’épouser Charlotte. Il se trouve que je suis plus riche que lui, que Charlotte m’aime, et que le père Michelin aime sa fille et moi. Il m’avait donc fait jurer de ne parler à personne de sa promesse jusqu’à ce qu’il eût éconduit le pauvre Simon. À présent, c’est fait, et la consigne est levée, mais pour les amis seulement. Je crois qu’en tout pays il est convenable de n’annoncer un mariage que quand il est prêt à se faire. Le mien n’aura pas d’empêchement, puisque je suis sans famille ; mais il y a quelqu’un que j’aime plus que ma vie, et que je dois consulter.

— M. Alphonse ?

— Oui ; on vous a dit qu’il m’avait élevé ?

— Avec une grande tendresse.

— Je lui dois tout, car je lui dois mon âme, une âme qui eût peut-être dormi sans savoir prendre son vol. Il a toujours voulu mon bonheur, il le voudra encore. Je lui parlerai ce soir au Refuge, c’est-à-dire chez lui. Il m’a dit ce matin qu’il n’y serait pas de la journée.

Je conclus de cette parole dite avec une évidente bonne foi que M. de Salcède était au donjon, dans quelque chambre où ces dames le consultaient à tout propos, en secret, à moins qu’elles ne l’eussent déjà présenté à Roger comme un ami de la baronne. Je ne voulais pas interroger Espérance